Hôtel Castellana : plongée au cœur de l'Espagne franquiste

Auteur : Ruta Sepetys
Paru le 05 mars 2020
Edition : Gallimard jeunesse
Collection : Roman Ado
Résumé :
Madrid, été 1957. Passionné de photographie, Daniel Matheson, 18 ans, découvre l'Espagne à travers l'objectif de son appareil. Il loge au quartier général de la haute société américaine : l'hôtel Castellana, où travaille la mystérieuse Ana Torres Moreno. À mesure qu'ils se rapprochent, Ana lui révèle un pays où la dictature fait régner la peur et l'oppression, hanté par de terribles secrets...
Avis :
Ruta Sepetys est une spécialiste des romans historiques. Elle mêle habilement fiction et réalité afin de nous faire découvrir des pans de l'Histoire méconnue. Pour ma part, je n'ai jamais étudié l'Espagne franquiste, ni à l'école ni à l'université. Pourtant, l'Espagne est un pays très proche de la France, tant géographiquement que psychologiquement, et cette dictature fut l'une des plus longues d'Europe (de 1936 à 1977). Cet ouvrage est, à mon avis, avant tout un récit sur le silence. Silence de l'Histoire sur cette période, silence au sein des familles qui ont subi la répression, silence des individus face à l'indiscible.
Ne pas poser de questions. On dirait que c'est la devise de l'Espagne.
Le roman débute en 1957 lorsque le Généralissime Franco ouvre son pays aux étrangers dans le but de sceller des accords commerciaux. C'est le cas de Mr Matheson, riche homme d'affaire texan qui a fait fortune dans le pétrole. Sa femme, originaire d'Espagne, souhaite elle retrouver son pays (fermé jusqu'à présent). Et son fils Daniel, en quête de liberté et d'émancipation, compte sur ce voyage pour faire des photos en vue d'un prix de photojournalisme. Dans l'hôtel Castellana où sont logés les étrangers, le jeune Daniel va faire la connaissance d'Ana Torres Moreno, pétillante jeune femme au passé trouble et aux secrets encombrants.
C'est difficile de naviguer entre deux cultures. J'ai l'impression d'être un marque-page coincé entre deux chapitres.
Plus qu'une simple histoire d'amour, ce récit nous présente des personnages qui se cherchent dans un pays lui-même en pleine mutation. L'arrivée des étrangers en Espagne fait souffler un vent de liberté et une envie de changement sur ce peuple opprimé. Ana rêve de voyage et de passion alors qu'elle est étouffée par ses secrets et la pression familiale. Daniel lui aussi subit la pression de sa famille et voit dans sa rencontre avec Ana un moyen de s'imposer et de prendre son envol.
La guerre est finie, mais les tortures continuent. Alors qu'il faut avoir un permis de chasse pour tuer un lapin, je vois tous les jours des femmes suppliciées et tuées sans raison.
L'auteur s'est longuement documentée et a recueillie de nombreux témoignages pour écrire ce livre. C'est l'une de ces tragiques histoires qui apparaît au centre de ce récit : le vol des enfants. En effet, durant la dictature de Franco, plus de 30 000 enfants furent enlevés à leur parent pour des raisons idéologiques. ces bébés que l'on disait morts, étaient ensuite confiés à des orphelinats afin qu'ils soient adoptés par des familles franquistes. Ce trafic d'enfants est le fil rouge du récit. Il relie tous les personnages dans une trame complexe qui ne se dévoile complètement qu'en fin de roman.
Il y a des choses dont on ne peut pas parler, un tiroir sombre où sont exilés les vérités inexprimables. Julia le connaît bien.
Tais-toi. Ne dis rien.
Estamos mas guapas con la boca cerrada. "Nous sommes plus belles avec la bouche fermée."
Deux choses ont, pour moi été un peu négatives dans ce récit.
La première est la question de la corrida. L'auteur a la délicatesse de ne pas se prononcer concernant cette pratique traditionnelle. Pour ma part, je suis totalement contre et j'ai tremblé à chaque page où il en était question.
La seconde concerne la fin du récit...
Je ne suis pas fan de la fin du récit. Je trouve que le Happy-end est de trop. Au vu des circonstances historiques, le fait qu'ils se retrouvent tous en pleine santé 20 ans plus tard n'est pas crédible. J'ai apprécié apprendre ce que sont devenus les personnages mais finalement, je pense qu'un peu de mystère n'aurait rien gâché.